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Se séparer de ses parents dans sa tête

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Mes épreuves et apprentissages

15/05/1963

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Je ne me sentais pas malheureuse car tout ce qui se passait était ma réalité et je passais beaucoup de mon énergie à régler et essayer de résoudre les problèmes que cette réalité me posait. Consentir au malheur m’aurait empêché de me battre et de trouver les ressources nécessaires et disponibles pour faire de ma réalité un monde vivable. J’avais certes des décisions à prendre, des dilemmes à trancher, mais ils étaient autant d’ordre moral que d’ordre existentiel. Je devais décider et me repérer entre ce qui était de l’ordre du normal et ce qui était de l’ordre de l’anormal. J’étais très attachée à la notion de normalité de l’enfance, j’interrogeais la normalité de mon enfance, tous les jours je passais en revue les événements qui me questionnaient.

Était-ce normal que je me retrouve dans une famille que ma présence gênait ? Était-ce normal que mes parents ne manifestent strictement aucune attention et aucun intérêt pour moi ? Était-ce normal que je doive rester dans cette famille ? Était-ce normal que je doive subir les violences intrafamiliales, les scènes de ménage, les disputes, ce couple qui du haut de mes trois pommes je trouvais aberrant, je les observais et les trouvais ridicules, déplacés, complètement à la masse.

Ce sont ces interrogations morales sur la normalité de mon enfance qui m’ont sauvé, car cela m’a pris quelques années d’errance enfantine, mais lorsque j’ai décidé moralement que tout cela n’était pas normal, que ces deux adultes n’étaient pas dignes d’être des parents acceptables, je les ai quittés psychiquement et je me suis évadée de leur vie progressivement.

Cela prend du temps lorsqu’on est enfant de se séparer de ses parents, à cause notamment de la cohabitation imposée. En plus il faut manger, se nourrir, se laver, dormir bref habiter quelque part. On ne peut pas s’enfuir, enfin même si j’y pensais souvent je ne voyais pas comment je pouvais m’enfuir. Un kilomètre, quand on a six –sept ans cela paraît immense et infini, tout paraît grand, lointain, haut, trop haut. A sept ans il faut monter sur une chaise pour atteindre un placard, alors face à des adultes on part perdant. À sept ans on ne va pas se coucher quand on veut, on doit attendre l’ordre donné d’aller se coucher, on doit répondre à l’appel ou à la cloche qui signifie que le dîner est servi.

A sept ans , on ne sait pas encore se faire à manger ou faire à manger. On sait s’habiller tout seul, mais on ne choisit pas ses vêtements, bref ces dépendances me coûtaient. Je les supportais très mal. Ce manque d’autonomie lié aux défaillances de mon développement me minait surtout la nuit, je supportais très mal mon état de dépendance d’enfant et je ne voyais pas comment je pouvais y échapper ou m’en sortir. Que ces deux adultes ne me fassent pas de câlin, je pouvais m’en arranger, mais que je doive ritualiser mes besoins fondamentaux comme l’alimentation et le sommeil au sein de leur organisation domestique m’insupportait ; j’avais l’impression de vivre sur pilotage programmé debout — assis — couché — à table – bonjour – bonsoir, une atmosphère tendue, un suspense répétitif, des nuits de scènes conjugales, des cris.

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