Le résultat de ces formations a donné lieu à la rédaction de deux ouvrages dont l’un a été rédigé pour le grand public et l’autre pour les puéricultrices.
- (1986). Passion d’enfance. Guide de la petite enfance, Paris, France : Le Hameau.
- (1986 avec Georgin, M.J., Ouarrak, B., Muller, A.M.) Psychopédagogie de l’enfant, Paris, France : Masson, Coll. Cahiers de puériculture (Préface du Pr. Michel Soulé).
Ayant rencontré Margaret Mahler à New York en avril 1985 et ayant pu visité son centre pilote d’accueil des jeunes enfants autistes, j’ai rédigé dans l’Encyclopedia Universalis sa notice biographique avant sa mort :
- (1987). Avec Tytell P. Notice : « Margaret S. Mahler « – In : Encyclopedia Universalis Vies et portraits – Les vies, p. 576-577.
J’ai retiré au niveau théorique de cette première orientation la reconnaissance de la singularité de l’activité du bébé et de son expérience, (Stern 1981) et l’importance à analyser l’interaction dans les situations de dépendance et de vulnérabilité physiologique et motrice. J’ai compris le risque des abus, qui peuvent être commis au nom d’une ambition éducative démesurée, l’importance d’un accompagnement fondé sur la présence, et la réhabilitation de la notion d’attachement et de lien dans les interactions de soin.
Les assistantes maternelles, qui avaient en garde des enfants en situation d’abandon, n’avaient pas le droit à l’époque de laisser les enfants les appeler « maman ». Il persistait l’idée qu’il fallait laisser intacts tous les gisements psychiques de l’attachement disponibles chez le jeune enfant pour permettre son adoption.
La remise en question des modèles d’éducation et d’accompagnement dans la petite enfance a constitué, pour moi, les prémisses d’un questionnement sur l’accompagnement comme objet d’intervention et de recherche.
En remettant en question la vision tutélaire de l’accompagnement du bébé, en mettant en évidence l’existence, chez l’être humain dès les premières semaines de sa vie, d’une subjectivité qui s’inscrit et s’exprime dans la vie physiologique du nourrisson, en attribuant à ce dernier un statut de sujet on modifie une vision du lien adulte bébé et on met évidence l’importance de solliciter une autre posture.
Le bébé représente « un objet de recherche très investi par les théories psychanalytiques, psychologiques, expérimentales, cognitivistes et comportementales » (Gavarini, 2003). Il représente aussi une problématique de l’intervention au carrefour de l’éducation et de l’accompagnement. On n’éduque pas un bébé, on en prend soin, on l’accompagne dans ses premiers pas, on lui accorde un potentiel de développement et de maturation physiologique à partir duquel toute intervention à visée éducative doit s’adapter. La question de l’époque, qui consiste à prescrire une éducation précoce sphinctérienne, symbolise le désir de maîtrise des adultes sur le fonctionnement du corps d’autrui. En interrogeant les modalités de l’intervention sur autrui, quand autrui est un bébé, il s’agit bien de réinterroger une vision de l’éducation proche du « dressage » (Vigarello, 2001) et portant sur certaines fonctions du corps, comme l’alimentation, le sommeil, le transit, le développement des capacités motrices. Paradoxalement, c’est en modifiant les modalités de l’intervention sur le corps du bébé, par le biais de la création d’une nouvelle puériculture, que l’on verra surgir une nouvelle relation adulte enfant dans le soin, la parentalité et l’accompagnement des jeunes enfants de moins de 3 ans. À partir du moment où il n’est plus un simple objet de soins et d’interventions, le bébé devient un sujet qu’on écoute, à qui on parle et à qui on explique l’intervention conduite sur son corps. Ces courants théoriques de l’époque s’inscrivent dans une période de curiosité à la fois pour la fabrication de l’humain, celle de son origine et de ses évolutions possibles. Le bébé devient un objet de recherche scientifique. Laurence Gavarini (2003, p. 53) nomme cette période « la passion de l’enfant, désignant ainsi cette double face d’objet d’amour et d’objet de sacrifice ».