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Lire la nuit avec une lampe électrique

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Mes épreuves et apprentissages

08/03/1963

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Dès que je vais commencer à savoir lire, je vais disposer d’un certain nombre de mondes imaginaires dans lesquels plusieurs personnages vont prendre soin de moi et me venir à l’aide, mais tout cela ne va pas émerger en un jour. Je me souviens que cela a pris des mois pour que je puisse faire quelque chose de tous ces mots qu’il faut répéter en classe tous les matins et recopier sur un cahier avec un porte-plume qu’on trempe dans un encrier.

Pour m’en sortir j’entrais en contact avec des choses intérieures que je sentais en moi et qui étaient les trésors que ma nourrice avait déposés en moi. Je la sentais présente à chaque instant de la journée et de la nuit, je m’ennuyais d’elle à mourir, je la pleurais, je l’invoquais , je lui demandais de me secourir, et à l’époque j’étais persuadée qu’elle m’entendait . Du coup je partais un peu en vrille, ma mère m’accusait de rester des heures à sucer mon pouce en silence, accoudée à la table et elle ne supportait pas cela. Elle trouvait cette posture insipide et idiote, alors j’ai commencé à aller me cacher dans la classe sur un banc de l’école près de la bibliothèque qui tenait dans un grand et haut placard. Il faisait froid dans la classe, mais au moins j’étais tranquille, même si j’entendais leurs éclats de voix et leurs disputes.

La nuit tombait, ils m’oubliaient.

Monsieur mon petit frère était avec eux et mon grand frère traînait souvent dehors sous le préau de l’école. Moi j’étais au pays des livres et je m’absentais d’une certaine manière de la maison de mes parents, je m’échappais je rêvassais, je résistais en m’enfermant dans mon univers qui tenait sur un mètre carré, mais qui me paraissait immense. Grâce à mon grand frère, âgé de trois ans de plus que moi, je découvrais le préau le dehors et ses merveilles, mais il me fallait aussi ma bulle à moi, mon coin à livres, la fenêtre en coin, le placard rempli de livres qui signifiera l’espoir pour moi pendant plusieurs années et où personne ne viendra me déloger, car personne ne lit dans cette famille.

On m’appelle pour venir à table et je redoute ce moment, car je déteste les repas du soir avec nos parents en train de s’incendier et de se maltraiter sous l’emprise de l’alcool de l’un et la complicité pathologique de l’autre. Je vomis assez souvent le repas ce qui m’autorise à me lever de table pour me diriger vers la cave attenante à la cuisine. Je suis assez bien élevée pour ne pas vomir sur la table et n’éclabousser personne. Je vomis propre en restant propre et je reste très pudique. Je vomis en silence et je reviens m’asseoir en silence car je suis dans une famille où il est interdit pour les enfants, sauf pour monsieur mon petit frère de parler à table.

Les noms d’oiseaux, les insultes, les grossièretés sont autorisées pour les deux adultes qui gèrent la maison, mais pas la parole des enfants. Pendant les crises d’éthylisme on ne sait pas bien si la présence des enfants est remarquée. Je suis terrorisée par ces deux adultes fous et irresponsables, mais est-ce qu’ils s’en aperçoivent ? Là mon ratage est conséquent : en effet, comment j’arrive à supporter cette violence, alors que je tremble de la tête aux pieds ? Comment se fait-il que je ne trouve pas une solution ? En tant qu’enfant qu’est-ce que j’aurais dû savoir ou pouvoir faire que je n’ai pas fait ?

En fait, je n’en sais rien, et je ne sais toujours pas ce que peut faire un enfant terrorisé au cœur d’une situation aussi intolérable ! Je n’arrive pas à l’époque à observer la violence en prenant des distances. J’aurai dû rire intérieurement, me moquer d’eux, compter les points, les mépriser, faire comme eux, leur jeter une assiette à la figure et voir comment ils auraient réagi, mais je ne pouvais pas, car cela aurait été devenir comme eux, m’intégrer parmi eux, m’affilier, devenir leur fille et donc me trahir et m’aliéner immédiatement pour la vie entière.

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