Les gens sont au champ, c’est l’ère de la mécanisation, on voit les premières grosses machines arriver dans les champs, les tracteurs se modernisent. Le foin est ramassé par des batteuses, on se déplace chez le voisin qui vient d’acheter une moissonneuse-batteuse, on fête l’arrivée de la machine, on entend parler de crédits sur vingt ans et de mutuelles agricoles. Dans le Village, certains ne vont pas s’en remettre et vont faire faillite et crouler sous le poids des endettements. Il est difficile de calculer et il faut maintenant savoir lire.
Ma mère va donc ouvrir un cours du soir pour les jeunes adultes qui veulent passer leur certificat d’études et rafraîchir leurs connaissances de base en calcul et écriture. Ce cours va avoir beaucoup de succès, on va voir défiler à la maison des gens qui nous apportent des salades, des poulets, des lapins et des morceaux de cochon à mettre dans un grand bahut plein de gros sel.
Le village veut remercier ma mère pour avoir réussi à aider les jeunes cultivateurs à se présenter au certificat d’études section adultes. Tous sont reçus, et à chaque fois c’est la fête à la ferme. J’aime ces adultes qui viennent le soir, ils sont jeunes, courageux et ils en veulent.
Ma mère va me laisser être présente à ce cours, je lui rends de menus services comme effacer le tableau, préparer les cahiers, mettre de l’encre dans les encriers, apporter du bois au pied du poêle car les soirées sont froides. Entre deux activités, je l’écoute enseigner aux adultes et j’aime cette atmosphère de respect qui règne entre les personnes lorsqu’elles sont en train d’apprendre.
