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L’approche du courant anglo-saxon des « practice-based research » à mes travaux de recherche sur l’accompagnement

Journal de bord

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Habilitation à Diriger des Recherches - HDR

20/04/2023

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Mon émigration aux États-Unis au cours de l’été 1996 (San Francisco)* a été l’occasion de conduire des travaux de recherche plus conséquents sur l’histoire du développement du counseling. En effet, j’ai pu bénéficier des matériaux historiques disponibles aux États-Unis pour conduire une revue de la littérature approfondie, mais aussi j’ai pu prendre contact avec les chercheurs, les cliniciens et les espaces cliniques de cette pratique, non seulement en Californie, mais aussi dans d’autres états. Mon immersion dans la culture anglo-saxonne, ajoutée au fait que d’emblée j’ai pu développer une pratique clinique d’accompagnement et aussi une pratique d’enseignement universitaire au département de santé publique de l’université de Berkeley (1996-1997) et ensuite dans les universités de San Francisco et de Santa Cruz, ont représenté un tournant dans mon itinéraire de chercheure, car j’ai pu faire des liens entre les théories mobilisées et les contextes environnementaux dans lesquels le counseling s’était développé dès son origine notamment dans les mouvements de réforme sociale.

Mon séjour jusqu’en 2001 comme chercheur au CAPS (Center for AIDS Prevention Studies), le centre de recherches en sciences sociales sur le sida le plus important des États-Unis, dans l’unité de recherches dirigée par le Professeur Margaret Chesney, a aussi constitué un tournant dans mes apprentissages. Aux États-Unis dans ces années-là, les unités en sciences humaines et sociales sur le sida étaient en plein essor, au sens où la maîtrise de l’épidémie en l’absence de traitement reposait entièrement sur la modification des comportements. De ce fait le counseling s’inscrivait dans le courant de « practice-based research » comme une des réponses incontournables à l’épidémie, mais il ne pouvait s’affranchir de la nécessité d’être évalué.

Pour ce qui concerne le counseling VIH, l’évaluation des effets de la pratique de counseling a donné lieu à de multiples études et recherches, afin de répondre à la question de l’efficacité spécifique de certaines pratiques et d’étudier les modalités de leur transposition d’un contexte à un autre. En effet, s’agissait-il d’utiliser le même type de counseling dans le champ de la prévention, du dépistage ou de l’accompagnement des malades en difficultés de traitement ou en phase terminale ?

Celui-ci devait-il être modulé en fonction des spécificités de ses publics, de ses terrains ? Pour dépasser les obstacles et les ruptures qui séparent l’épistémologie de la clinique et ceux de la recherche, les Anglo-Saxons ajoutent aux « efficacy studies » des études naturalistes ou « effectiveness studies ». Ce type d’études étant une des priorités de l’unité de recherches du CAPS où j’étais affiliée, j’ai été sollicitée pour mesurer les effets du counseling VIH sur le degré d’observance des médicaments sous la forme d’un essai clinique randomisé. Cela représentera un tournant imprévu dans mon itinéraire de clinicienne, au sens où les résultats positifs de cet essai signeront définitivement mon intégration dans l’univers des sciences médicales et aussi dans le milieu associatif des malades. En effet, les associations ont pu se servir des résultats de cet essai clinique pour repousser les tentatives des médecins de refuser l’accès aux traitements antirétroviraux aux patients qui ne les prenaient pas bien. Le fait qu’une étude ait démontré, en utilisant des outils de mesure reconnus comme valides par le milieu médical, les effets positifs d’un counseling empathique sur l’amélioration de l’observance thérapeutique des patients a avalisé l’idée qu’il fallait aider et accompagner les malades en difficulté plutôt que les punir ou les exclure du système de soin.

 

 

* La ville de San Francisco était un des épicentres de l’épidémie, on comptait dans cette petite ville de 700.000 habitants plus de malades du SIDA que dans la France entière. Un habitant sur quatre était concerné directement ou indirectement par le SIDA. J’ai choisi comme quartier de résidence le quartier gay, pour avoir une proximité maximale avec les malades et les services de counseling, de soin et de dépistage. Des immeubles entiers dans mon quartier avaient été réquisitionnés par la ville et transformés en appartements thérapeutiques.

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