Qu’est ce que l’HDR ?
Conclusion de la première partie
En conclusion, j’ai tenté d’adopter et d’expliciter une posture de travail singulière qui consiste à s’engager, à porter attention et à être proche auprès de celui qui ne peut exprimer sa souffrance et ses besoins, que s’il sent cette proximité » l’être à côté » et bénéficie du don de l’attention prodigué par celui qui s’engage à être là, à ses côtés, sachant que l’ »être à côté est une activité clinique en soi ». L’appel et la réponse à la demande ou à la souffrance ne sont pas des branchements qui se répondent automatiquement. Il n’existe pas de possibilité d’expression de la demande ou de l’appel sans la présence d’un être là attentif.
Agir en situation d’incertitude
Dans cette époque de catastrophe sanitaire avec son corollaire d’incertitudes, les thérapeutes, les aidants, les médecins, tous ceux qui tentaient d’agir devaient en plus de leurs fonctions endosser le rôle de « chercheur-inventeur-créateur », au sens où personne n’agissait selon un référentiel de tâches établies ou prescrites. Ce rôle et cette responsabilité de chercheur advenaient dans des situations extrêmes de vulnérabilité et de menace vitale pour ceux dont il fallait prendre soin et qui étaient en train de mourir sous nos yeux.
L’accompagnement des groupes de malades : réinterroger la psychosociologie des groupes
Le sida a été l’objet d’un grand déploiement de groupes de paroles à visée thérapeutique. La pratique de l’animation de groupes de malades a connu un essor disproportionné par rapport aux autres maladies plus silencieuses au niveau social. Cette demande de groupes est à mettre en lien avec le rôle actif des associations de malades dans la lutte contre le sida. Face à l’incurable, les rencontres de groupes animées par des personnes, non seulement ayant une formation pour le faire, mais en général cooptées de par leur proximité identitaire avec une des problématiques du sida…
Le paradigme palliatif dans l’accompagnement des malades
La plupart des auteurs, ayant une pratique clinique de l’accompagnement des malades en fin de vie, évoquent « le caractère accéléré » des processus en jeu dans leur travail et ce, qu’ils soient psychologues, psychanalystes ou simples aidants. Ainsi Deschamps (2004) évoque le plan du rythme qui l’amène à travailler pendant un nombre assez limité de séances, De M’Uzan (2005, p.48) décrit son expérience avec un de ses analysants comme suit : « Lui et moi savions que le temps pouvait nous être compté. Si bien qu’à l’inverse de ce qui se passe le plus souvent, un travail intense s’est immédiatement engagé ».
Théoriser l’expérience vécue de la présence dans l’accompagnement des malades
L’accompagnement des malades, pour les professionnels formés aux usages classiques de la psychanalyse et la psychothérapie, est un problème, car il bouscule les règles qui régissent le vécu transférentiel et contre transférentiel qui par essence a trait aux modalités de la présence à autrui. La lecture des travaux des psychothérapeutes et psychologues cliniciens travaillant en oncologie, qui est le domaine le plus avancé dans les publications théoriques sur l’accompagnement, notamment avec le développement d’une spécialité reconnue et nommée « psycho-oncologie », conduit à faire plusieurs constats en ce qui concerne « les théories de la présence » mobilisables dans l’accompagnement des malades.
Les différentes formes d’usage de soi dans l’accompagnement
J’ai pu repérer, à partir de la clinique de l’accompagnement de sujets exposés à une maladie à pronostic incertain, au moins trois formes d’usages de soi dans l’accompagnement : un usage de soi par soi, un usage de soi par autrui, un usage de soi pour soi. L’usage de soi par soi comprend l’adoption par l’accompagnant d’attitudes, déjà bien définies par Carl Rogers, comme un regard positif inconditionnel, un certain degré d’empathie et un niveau de congruence.
Articuler l’accompagnement comme un mode d’adressage à autrui
L’accompagnement de personnes malades, parce qu’il touche au corps, aux fonctions vitales, à la souffrance, à la détérioration physique, suscite dans l’imaginaire, des représentations sociales qu’il est important de repérer, car elles ont un impact sur les attitudes, les postures et les modes d’intervention, mises en jeu dans les activités d’accompagnement déployées. J’ai pu ainsi caractériser deux types de figures d’accompagnement …
De l’expérience de l’accompagnement à l’accompagnement comme objet de recherche
J’ai vécu mon expérience clinique dans le domaine du sida aussi comme une recherche, au sens où il n’existe pas une expérience pure de l’accompagnement : la manière dont j’ai dialogué avec les malades et observé les processus qui se jouaient dans ces rencontres singulières dépendait aussi du cadre conceptuel dans lequel je situais mon écoute. Or si ces concepts sont des instruments d’interprétation qui orientent l’écoute, ils sont aussi des outils qui nous aident à comprendre ce que l’expérience clinique nous fait voir.
La transposition du counseling au contexte des pays à ressources limitées
Après avoir contribué à la mise en place de dispositifs d’accompagnement (counseling) adaptés à l’histoire naturelle de l’infection à VIH, depuis le dépistage jusqu’à la consultation d’aide à l’observance des traitements, je me suis portée volontaire dans plusieurs organisations humanitaires pour transposer les acquis des approches des pays riches dans les pays à ressources sanitaires limitées. Comme j’avais exercé aux États-Unis au sein des grandes associations de lutte américaine contre le sida (communauté homosexuelle et communauté afro-américaine), mon retour progressif des États-Unis est passé par l’Afrique et par Haïti et la poursuite de ma « mobilité » sur le continent africain s’est inscrit tout naturellement comme une étape de mon chemin de retour en France.