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Articuler l’accompagnement comme un mode d’adressage à autrui

Journal de bord

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Habilitation à Diriger des Recherches - HDR

20/04/2023

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L’accompagnement de personnes malades, parce qu’il touche au corps, aux fonctions vitales, à la souffrance, à la détérioration physique, suscite dans l’imaginaire, des représentations sociales qu’il est important de repérer, car elles ont un impact sur les attitudes, les postures et les modes d’intervention, mises en jeu dans les activités d’accompagnement déployées. J’ai pu ainsi caractériser deux types de figures d’accompagnement : (1) une figure médicale qui s’apparente dans l’imaginaire social à une figure maternelle et qui fonctionne sur le mode du soin à donner à l’enfant et qui mobilise des attitudes, une posture et des modes d’intervention organisés autour de la dépendance absolue (2) une figure éthique qui s’apparente à ce que je nomme « l’épreuve d’altérité » et qui fonctionne sur le mode de la relation d’aide qui mobilise des attitudes, une posture et des modes d’intervention organisés autour de la dépendance relative. Le degré de dépendance varie en fonction de l’état d’avancée dans la maladie et de la nature des pertes des capacités fonctionnelles. Il est qualifié par l’accompagnant comme étant« relatif » ou « absolu » et il caractérise une situation autant qu’une personne.

Lorsque le degré de dépendance est absolu comme par exemple dans le cas de la perte de la vue, de la marche, la perte de contrôle des fonctions excrétoires, il donne lieu à un type d’intervention proche du soin parental. On observe alors, dans cette situation, un type d’accompagnement mis en œuvre par des soignants, des volontaires, des proches, pensé comme la réponse à un besoin ou sa satisfaction, lorsqu’il s’agit de résoudre une tension organique, réduire une douleur, remplacer ou suppléer à l’exercice d’une capacité fonctionnelle perdue. L’accompagnement organisé et vécu comme une réponse à un besoin comporte alors certaines analogies avec ce que Winnicott désigne comme relevant de « la préoccupation maternelle primaire » qui suppose une hyperadaptabilité corporelle, motrice et presque physiologique de l’accompagnant. Ce type d’accompagnement mobilise le corps de l’accompagnant, ses capacités kinesthésiques (importance du toucher), ses capacités d’observation, et il sollicite son sens du timing (synchronisation du moment de la réponse avec celle du besoin).

Il présente des analogies avec le soin parental et s’expose donc à tous ses aléas autant du point de vue de celui qui le dispense que de celui qui en bénéficie. Il mobilise des affects qui s’inscrivent et viennent nourrir des liens d’interdépendance, souvent difficiles à travailler. Il signifie l’exercice de capacités de contenance et la mise en mots des soins délivrés, notamment pour ceux qui concernent les soins relationnels et la sécurisation de l’être (apaisement de la détresse, gestes de consolation, colère) face aux pertes fonctionnelles, non-acceptation des aides de suppléance motrice, perte d’appétit, agitation, soins des plaies, rendant encore plus difficile cette activité humaine.

Dans les situations de dépendance relative et de possibilité pour les accompagnants de personnes malades de mobiliser le « potentiel restant », la réponse au besoin ne nécessite pas un temps synchrone dans les représentations sociales existantes. Ces représentations sont souvent formulées sous la forme : « Je vais y aller, mais cela peut encore attendre ». La représentation des besoins d’autrui est souvent soumise à la discrétion de l’accompagnant et elle est un des enjeux conflictuels les plus significatifs dans les activités d’accompagnement des malades et ce d’autant plus qu’il persiste un « impensé » dans l’accompagnement : le malade peut demander au même moment ou successivement qu’on prenne soin de sa partie qui va bien ou de sa partie en souffrance. Pour cette situation, je propose une conception théorique de l’accompagnement qui adopterait d’emblée un point de vue dynamique sur le développement de la personne malade rendant ainsi mieux compte de son expérience et des moments nécessitant la présence ou un ensemble d’interventions pouvant être conduites par autrui avec une visée d’accompagnement pensé comme une co-présence et comprenant un certain nombre de co-activités conduites ensemble au profit de la partie de soi qui va bien et/ou de la partie de soi en souffrance. La maladie n’est pas un état, mais un processus exposant le sujet à la disparition des frontières établies entre la santé et la maladie, la douleur et le bien-être, un état de crise et un état stable, le plaisir et le déplaisir, les états de veille et les états de somnolence, le chaud et le froid, l’excitation et l’ennui. L’étanchéité des frontières entre le normal et le pathologique, dans le cas des malades chroniques, m’amène à poser un modèle d’accompagnement fondé sur une épreuve constante de confrontation à l’altérité comme figure dominante. Cette épreuve de l’altérité, au cœur de l’accompagnement, comprend une pluralité d’usages de soi à produire par l’accompagnant selon les situations qui émergent dans le réel de la situation.

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