Mes travaux théoriques, mes publications ont été façonnés non seulement par des concepts mais tout autant par les relations conceptuelles que j’utilisais au moment où je les réalisais. Je me souviens d’avoir été à la fois enthousiaste et apeurée lorsque dans les analyses d’entretiens ou d’interviews voire dans la lecture de textes en sciences humaines et sociales, les résultats différaient en fonction des angles d’approche que j’utilisais et donc des concepts que je mobilisais. Je commençais une licence de philosophie et je découvrais que la description de ma réalité expérientielle n’avait aucun intérêt théorique autre que dans le cadre de mon entrée en analyse. Comme les concepts freudo-marxistes étaient dominants dans les cours de sociologie du coup je tissais des relations conceptuelles entre ma réalité existentielle et ma condition sociale. Comme la plupart de mes camarades étudiantes femmes, nous étions aussi féministes. Il nous revenait donc de remettre en question les points aveugles des conceptions freudiennes de la sexualité, de la femme, du principe de plaisir, du principe de réalité, du surmoi etc… Si nous ne le faisions pas , de toute façon il nous fallait au minimum être capable de répondre de nos positions face à la psychanalyse. Nous vivions dans ces années 70 dans un corps à corps permanent avec les concepts, les objets théoriques, les orientations politiques . J’étais étudiante en 1971 et de fait , nous nous sentions à la fois responsables et coupables en tant que génération de nos orientations conceptuelles tout autant que de nos orientations sexuelles ou de l’absence de nos orientations sexuelles au sens où à l’époque ce qui était privé et politique. Les altercations théoriques commençaient souvent par  » d’où tu parles ?  »